Décidément, je suis en mode déterrage d'archives. L'envie d'écrire à nouveau qui chatouille sans doute, et toujours pas assez de temps. Les éclats de romans s'empilent sans retrouver cette organisation mentale qui me permettait d'aller d'un bout à l'autre d'une histoire sans lâcher prise. Tous ces éclats de textes jetés pèle-mêle ressemblent à cette vie devenue trop désorganisée pour une adepte de l'hyper-contrôle et de l'organisation efficace. Bref !
Ce texte est paru il y a plus de 10 ans. Mon premier texte édité à l'époque grâce à la confiance et l'attention bienveillante de Lucie Chenu. Je pense qu'on ne peut plus retrouver aujourd'hui la revue dans laquelle il était sorti... Je l'avais intégré à un recueil de nouvelles "des liens et des chaînes", sur tout ce qui nous lie, ce nous emprisonne mais aussi nous évite de partir à la dérive.
C'était il y a longtemps. Pourtant aujourd'hui encore quand j'entends la chanson de Zaz, ce texte me revient. Sans doute parce que je veux continuer à croire au Petit Prince, au soldat rose, à Emilie Jolie. Je veux garder cette étincelle. Je ne veux pas me dire un jour que je ne pourrai "jamais plus voler".
https://www.youtube.com/watch?v=9Wrlv7L_Bj8
Prisonnière du bitume
Cédric marche sur le trottoir gris de la ville, sous le ciel de cendres d’un hiver presque mort, tirant sur un printemps auquel il ne croit pas.
Son regard glisse sur le trottoir sans le voir.
Ses pas glissent sur le bitume sans le sentir.
Il glisse tout entier dans ce monde qui l’ignore.
Dans ce monde qu’il ignore.
Il n’y a rien au-delà du trottoir pour Cédric, rien au-delà de l’hiver, rien au-dehors, rien au-dedans, rien à l’intérieur de ce monde dans lequel il est muré. Ses chaussures avalent le béton, pas après pas, enfilant les ruelles sur l’itinéraire identique qui, jour après jour, le mène de son travail jusque chez lui. Il ne pense même pas à la libération que ce sera de rentrer et de laisser à sa porte le froid de cet hiver sans fin.
Il ne pense pas.
Il marche.
Une fois dans son appartement, il allumera son ordinateur et errera sur la toile, l’esprit vide, en quête d’une chose qu’il ignore… et à laquelle il ne songe même pas.
Mais pour le moment, il suit ses chaussures qui foulent le même sol que cette marée humaine qui l’ignore – qu’il ignore.
Un crissement de pneus et de frein ne lui fait pas tourner la tête. Il guette juste, sur le sol, les chaussures des passants qui ne manqueront pas de s’arrêter pour voir l’accident et rompre ainsi la monotonie de leur journée. Il ne veut pas heurter ceux dont il veut continuer en paix à ignorer la présence.
Mais la rue est déserte et donc personne ne s’arrête pour savoir contre quoi le chauffeur klaxonne bruyamment. Pas d’accident, pas de sang, juste quelques injures proférées derrière une vitre close. Rien qui n’aurait valu la peine de lever les yeux.
Cédric s’en moque de toute façon. Il n’entend pas les injures, ne voit pas la silhouette titubant sur la route, apeurée comme une biche aux abois, fuyant un obstacle pour en heurter un autre… Il n’entend pas davantage le bruit des pieds nus sur le goudron. Il ne prend conscience de cet être qui se précipite vers lui que lorsque, dans une cascade de cheveux de lumière, elle s’effondre à ses pieds. Comme elle est presque tombée sur ses chaussures, Cédric est obligé de s’arrêter. Et, comme ses pas ont cessé leur litanie habituelle, il reste suspendu durant un instant de flottement, ne sachant pas quoi faire… avant de décider de contourner l’obstacle pour continuer sa route.
Mais ce moment suffit à la silhouette emmêlée de drap et de cheveux d’or pour relever son visage de porcelaine vers lui.
Elle plante ses yeux de sève et de lumière dans le regard bleu délavé qu’il lui renvoie. Elle ne se reflète même pas dans ce miroir trop pâle. Ce miroir sans âme. Pourtant… Cédric reste là. Un instant encore, il casse le rythme de sa vie, ne sachant plus comment en retrouver la mesure. Et, comme elle le regarde de ses yeux trop grands emplis de désarroi et de panique, il s’agenouille auprès d’elle. Il y a longtemps qu’un autre être vivant ne l’avait plus regardé dans les yeux.
Il ne sait pas quoi lui dire. Il regarde ses ailes diaphanes aux mille reflets, abandonnées sur son dos d’albâtre, ses bras graciles enlacés de jeunes pousses bourgeonnantes. Elle semble tellement déplacée, tellement fragile sur ce béton froid… Que peut-on dire à une fée, qui, semblable à un éclat de soleil, vient de s’effondrer devant vos chaussures ?
Alors, c’est elle qui parle – chante ? – de sa voix de cristal fragile.
« Comme une funambule, dans la rue, je déambule, entre le ciel gris et l’asphalte. Je suis comme prisonnière, étirée à l’infini… »
Il n’est même pas sûr que ce soit à lui que ces mots absurdes s’adressent.
« Que racontes-tu ? »
Il se demande un peu comment on s’adresse à une créature comme elle. C’est la première fois qu’il en voit une.
Elle le regarde à nouveau dans les yeux et un bouleversement se produit à l’intérieur de lui qu’il ne comprend pas. Il sait juste qu’il ne va pas repartir ainsi. Il vient de perdre quelque chose sur ce bout de trottoir… un morceau de son âme peut-être.
Elle entrouvre ses lèvres rose pâle qui tremblent légèrement.
« Je crois que je suis juste… perdue. »
Cette fois, c’est à lui qu’elle parle. Et sa voix est… Elle est le vent dans les arbres, le souffle divin qui caresse les branches. Elle est ce qu’il ne cherchait pas… et dont il prend conscience qu’il avait besoin.
« Qui es-tu ? » lui demande-t-il.
Elle s’apprête à répondre puis hésite. Ses yeux de feuille tendre balaient la rue, inquiets.
Alors il lui sourit.
« Tu t’appelleras Opale, » décide-t-il.
Il regarde sa peau de nacre exposée à la vue des passants. Saisissant le drap tombé au sol, il la recouvre délicatement.
« Tu ne peux pas rester ici comme ça. Je vais te ramener chez moi. »
À nouveau, elle le regarde, indécise.
Il prend sa main et l’entraîne avec lui.
***
Cédric marche sur le trottoir étiré à l’infini. Ses pieds ne vont pas assez vite. Il pense à celle qui l’attend. Il a hâte de rentrer, de lui raconter sa journée. Tant de choses se sont passées aujourd’hui dont il veut lui parler. Il pense à sa voix de miel et à la façon dont elle le regarde. À ses yeux étonnés qui se posent sur chaque objet tellement banal et qu’elle rend insolite et nouveau par sa simple présence…
Il pense à son rire cristallin qui résonne dans son appartement enfin vivant.
Il sait qu’il ne doit parler d’elle à personne. C’est si rare pour un humain de trouver une fée. Des gens seraient prêts à payer des fortunes pour en acquérir une.
Cédric doit protéger Opale. C’est ce qu’il s’est dit dès le moment où son regard a capturé le sien.
Il pousse la porte de son appartement. Elle regarde dehors, front appuyé contre la vitre. Ses yeux suivent les tours démesurées qui s’élancent vers le ciel, caressant le tracé de ces constructions à l’image de la prétention humaine. Comme elles, son regard semble vouloir s’élancer vers l’azur. Cédric fixe les ailes inertes de la fée. Il se demande ce qui l’empêche de les déployer. Il a mal pour elle.
Elle l’entend, tourne ses yeux gris vers lui, et la lumière renaît tandis qu’elle se jette dans ses bras.
***
Cédric foule le trottoir d’un pas rêveur. Dans sa main, il sent la chaîne d’or qu’il enroule doucement autour de ses doigts. Il garde précieusement le pendentif de diamant au creux de sa paume, au fond de sa poche. Il ne veut pas qu’on le voie, ne veut pas risquer qu’on le lui vole. Ses mille reflets sous la lumière ressemblent à sa fée. Elle aussi, elle brille tellement qu’il ne veut pas qu’on la trouve… pour ne pas qu’on la lui prenne.
Le diamant lui a coûté cher. Opale aussi. Il sait qu’il a perdu une part de son être quand il l’a rencontrée. Il en est toujours ainsi quand on se lie à une fée. Elle vous vole un peu de liberté, un éclat de votre âme… Une chose à laquelle il ne tenait pas vraiment. Ce qu’il a gagné est bien plus précieux. Comme un reflet d’opale échoué sur un trottoir de cendres, un éclat de sève au milieu d’une ville de métal, un papillon au creux de sa paume sur lequel il referme doucement les doigts pour le garder sans l’écraser.
***
Cédric remonte l’avenue d’un pas hâtif et anxieux. Hier, il a vu Opale déployer ses ailes comme un arc-en-ciel féerique. C’était un spectacle si majestueux, et pourtant… il a pensé à la façon dont elle regardait sans cesse par la fenêtre. Parfois mélancolique comme un rayon de lune. Parfois émerveillée comme une enfant… Il se demande si elle peut voler.
Il sent un poids dans ses entrailles, une angoisse sourde qui le ronge. Il se dit qu’il faut qu’il installe des barreaux aux fenêtres. Elle est tellement fragile, sa déesse… C’est pour ça que Cédric a replié doucement ses doigts sur elle comme une cage.
Juste parce qu’il veut la protéger.
Il rentre chez lui. Opale est assise sur ses talons, penchée au-dessus de cet arbuste étrange qu’elle essaie de faire pousser. Ses mains jointes comme une coupole au-dessus de la jeune pousse irradient d’une lumière chaleureuse. Elle est si absorbée qu’elle ne semble pas voir Cédric. Mais quand il s’approche, elle se tourne vers lui et attrape ses mains dans les siennes. Elle les place au-dessus de l’arbre et chantonne. Cédric sent la chaleur qui passe à travers les paumes de la fée. Il sent la vie qui le parcourt et baigne l’arbre à travers lui. Alors Opale éclate d’un rire de cascade. Elle le regarde, et ses yeux verts sont le reflet vivant de l’arbre à naître.
« Je crois qu’il t’aime bien, » rit-elle.
Cédric grommèle un peu :
« J’espère bien… C’est tout de même chez moi qu’il habite. »
Comme elle fait la moue, il lui sourit pour montrer qu’il plaisante. Opale a planté son arbre chez lui. Ses racines sont ici, elle ne s’envolera pas. Il en est certain.
***
Il est tard. Cédric rentre chez lui d’un pas usé. Il a encore fait des heures supplémentaires ce soir. Il a du mal à payer le crédit pour le pendentif… Mais il ne regrette pas. Ce bijou brille de mille feux sur la peau de nacre d’Opale. Il fait resplendir l’éclat de ses iris de lumière. Pourtant, malgré tous les cadeaux dont il la couvre, la fée semble s’éteindre. Sa peau est si pâle qu’elle en est presque transparente et ses yeux commencent à prendre des teintes d’automne. Chaque fois qu’il tarde le soir, il a peur qu’elle ait disparu.
Il trouve Opale près de son arbuste. Cela fait plusieurs jours qu’il ne l’avait plus vu… À croire qu’elle le cachait. Ses branches nues semblent se tordre vers le ciel en quête d’une vie qui ne lui est pas offerte.
« Il ne peut pas vivre ici… »
La voix d’Opale est telle une aile de papillon, belle, fragile… brisée. Une aile de papillon déchirée… comme les siennes à nouveau abandonnées sur son dos.
Elle se tourne vers lui.
« Moi non plus. »
D’un seul coup, un froid glacial s’abat sur le cœur de Cédric. Un vent violent qui s’engouffre par le vide de cette part d’âme qu’il lui a donnée.
« Si ! s’écrit-il. Ne t’en fais pas. Il n’est juste pas bien dans un pot. Je vais acheter une maison. Nous aurons un jardin. Ton arbre y sera bien. Tu verras. »
Il sent la panique le gagner mais lutte pied à pied. Oui, il pourra faire cela, il lui offrira une maison, un parc, une vallée entière s’il le faut.
Elle secoue la tête.
« Il ne peut pas vivre en ville… Pas même près des villes. Je ne sais même pas si je pourrai le faire renaître quelque part. Les humains… Tout ce que vous détruisez ne peut pas forcément être reconstruit.
— Mais que vas-tu faire ?
— Je dois partir d’ici. Je dois essayer de le planter ailleurs. Très loin des hommes. Là où la terre a encore quelques forces. »
Il la regarde. Son image devient floue devant ses yeux mais il ne laisse pas les larmes s’échapper. Un homme ne pleure pas, se dit-il. Opale est sa force depuis qu’il l’a trouvée. La regarder devrait suffire à tout affronter pour elle. Pourtant, elle est devenue si frêle, ses cheveux de soleil ont pris l’éclat de la lune… Mais elle reste son Opale.
Tous les mots se bousculent dans sa tête, mais ils ne parviennent pas à franchir le nœud de sa gorge. Alors il passe ses bras autour d’elle et se contente de la serrer contre lui. Si fort qu’elle gémit de douleur.
Il va trouver une solution. Il lui donnera de la force… Autant qu’il lui en faudra. Il la nourrira.
Il ne la laissera pas partir.
***
Cédric arpente le trottoir d’un pas hanté. Il sait qu’Opale va mourir. Il la voit chaque jour dépérir un peu plus… Bien que l’angoisse de ne pas la retrouver lui dicte de rentrer chez lui, il fait un détour pour se rendre à la bibliothèque. Il cherche le rayon des mythes et légendes. Les fées ont toujours été avares sur ce qu’elles disaient aux humains, quand elles ne les bercent pas de mensonges… Ironiquement, Cédric se dit que c’est à cause de ses sœurs et de leurs secrets qu’il ne peut pas sauver Opale.
Plongé dans sa lecture, il n’a pas prêté attention à celui qui est venu se pencher au-dessus de son épaule. Il sursaute quand le jeune homme lui susurre à l’oreille :
« Tissu d’âneries ! Moi, je peux te dire comment la sauver. »
Cédric se retourne vivement. Celui qui lui fait face ne doit pas avoir plus de quinze ans. Des cheveux d’un orange de carotte aux hormones lui tombent sur le nez en une frange volontairement trop longue suivie d’une coupe trop courte… Des yeux d’amande couleur pistache le regardent, étrangement trop grands au milieu d’un visage trop fin et trop pâle. Son jean ample et son t-shirt moulant d’un blanc passé viennent ajouter encore du bagage à l’adverbe « trop » qui semble définitivement fait pour le définir.
« Les fées mentent tout le temps aux humains, affirme-t-il, tu ne trouveras rien ici de ce que tu cherches. »
Cédric a eu l’occasion de constater en effet que les fées avaient accompli cet étrange exploit de réussir à faire se contredire sans cesse des auteurs qui n’avaient pourtant déjà pas grand-chose à dire.
« Qui es-tu donc pour pouvoir m’en apprendre plus ?
— Tu le sais. »
***
Cédric marche dans les pas de l’étranger, suivant sa silhouette effilée avec l’impression de se précipiter vers le poignard qui s’apprête à l’égorger. L’autre trotte un moment, ses pas légers et gracieux effleurant à peine le bitume. Derrière lui, Cédric avance les mains enfoncées dans les poches de son blouson en cuir, ses cheveux noirs trop longs tombant sur son visage. L’inconnu s’arrête finalement dans une rue déserte, à l’endroit précis de sa rencontre avec Opale.
« Ici, ce sera bien pour parler.
— Qui es-tu ? » redemande Cédric.
D’un geste fluide, l’autre passe sa main devant son visage, comme s’il ôtait quelque masque invisible. C’est alors qu’il apparaît dans sa magnificence glacée sous les yeux de son interlocuteur. Sa peau a la teinte d’une nuit sans lune, mais ses yeux semblent plus sombres encore. Une cascade de cheveux aile de corbeau habille sa silhouette effilée. Seules ses oreilles pointues sont semblables à celles d’Opale. En dehors de cela, il est aux ténèbres ce qu’elle est à la lumière : une incarnation vivante de leur beauté.
Il esquisse un sourire, et ses dents éclatantes semblent plus froides encore dans ce manteau de nuit. Deux embryons de crocs se dessinent dans ce sourire qui n’en est pas un.
« Cela te suffit-il ?
— Qui es-tu ? répète Cédric. Tu sembles tout savoir de moi. Un minimum de courtoisie voudrait que tu me rendes la politesse. »
L’étranger s’incline.
« L’échange… On voit que tu as vécu quelques temps avec l’une des nôtres. Tu as acquis un peu de… substance ? Quelque chose dans ce goût-là en tout cas. » Il passe une langue d’un rouge profond sur ses lèvres. « Si ce que tu cherches à savoir est ce que je suis, je ne te le dirai pas car ce serait bien trop complexe à comprendre pour toi. À moins que tu ne sois un spécialiste de la biodiversité féerique… Mais, au vu des charlataneries dont tu ne nourrissais béatement, j’exprimerais un doute sur ce point. Si c’est un nom que tu désires, tu es loin d’avoir mérité le privilège que je te fasse l’honneur du mien. »
Il semble réfléchir un instant avant d’ajouter :
« Disons que tu pourras m’appeler Trop. Je crois que ça te conviendra. »
Cette impression qu’on lit en lui fait naître en Cédric une envie de grogner, comme un reste de l’animal tapi en tout humain.
« Que gagneras-tu à m’aider ? » lance-t-il entre ses dents serrées.
Au milieu des ténèbres du visage de Trop, ses yeux se mettent à briller d’une lumière aveuglante. Sa voix est un coup de tonnerre quand il répond :
« Il n’est pas question de t’aider, toi. Seulement de venir en aide à une sœur. Je n’ai pas besoin de plus pour me sentir concerné. Mais les humains passent tellement de temps à se détruire les uns les autres que je ne crois pas que tu puisses comprendre. »
Piqué au vif, le jeune homme rétorque :
« Pourtant, me voilà bien moins égoïste que toi, être-fée, puisque je le fais pour un être qui n’est pas de mon sang.
— Ah ! Tu le fais pour elle, vraiment ? Intéressant… »
L’ironie dans la voix féérique est aussi blessante qu’une flèche de glace.
« Pour qui d’autre le ferais-je, sinon ?
— Laissons cela… Sais-tu ce qui détruit ma sœur ? »
Cédric secoue la tête, agacé de devoir avouer son ignorance face à cet être qui le toise.
« Il fut un temps où les miens se nourrissaient de l’essence même de ce monde. Nous vivions sur une terre sacrée dont nous préservions la pureté. Las, les hommes nous ont condamnés à l’exil. La plupart des gens de mon peuple sont morts. Mais quelques-uns ont survécu en se liant à certaines essences de ce monde. Celle que tu as rencontrée est née du bois et de la sève, son âme enlacée aux branches d’un chêne et sa vie plongeant avec ses racines. Des humains ont coupé son arbre, alors elle l’a suivi. Hélas, il était trop tard. L’arbre était mort et elle s’éteignait. Il aurait fallu qu’elle quitte la ville, qu’elle retrouve un arbre-sève. Mais elle est tombée sur ta route comme un chaton égaré et c’est à toi qu’elle s’est liée.
— Dans ce cas, pourquoi se meurt-elle ? »
Trop lâche un rire sec, suivi d’un claquement de langue méprisant.
« Ce n’est pas suffisant. L’âme d’un humain n’a ni la force ni la noblesse d’un chêne séculaire. Elle a essayé d’en faire renaître un, mais comment le pourrait-elle, dans cette ville de bitume, avec le peu de force que tu as à donner ? Ce que vous détruisez sans ciller, vous autres mortels, a cent fois plus de valeur que vos vies insignifiantes. »
Cédric ignore l’injure, se concentrant sur la seule chose qui lui importe.
« N’y a-t-il rien que je puisse faire ?
— Tout dépend jusqu’où tu es prêt à aller… pour elle. »
Sans se départir de son sourire narquois, Trop explique à Cédric comment sauver celle qu’à aucun moment il ne nomme Opale.
***
Sous le manteau étoilé de la nuit, Cédric marche. Les ténèbres au-dehors lui semblent bien diffuses face à l’opacité de ce qui le ronge.
Un chien passe en aboyant devant lui. Cédric se souvient des paroles de l’être-fée : « Un humain seulement pourra convenir. Les animaux ont trop d’instinct pour se laisser fasciner par les nôtres. »
Il finit par trouver un clochard endormi auprès de son écuelle. Il a l’air en bonne santé, et même relativement propre. Sans doute n’est-il pas là depuis longtemps.
Il se penche pour secouer son épaule.
Cédric laisse rentrer l’homme avant lui. Il a un goût amer dans la bouche.
Dès que le regard de l’inconnu effleure Opale, il sait qu’il a fait ce qu’il fallait. Bien qu’affaiblie, elle rayonne d’une beauté qu’il ne lui connaît pas. Il se dit que c’est sans doute la faim qui provoque cela. En quelque sorte, elle est en chasse. Elle n’a plus rien de la grâce délicate et fragile d’Opale. Elle rayonne d’une majesté froide, toute en nuance de clair-obscur, plus proche de l’astre de la nuit que de celui du jour. L’homme n’a d’yeux que pour elle. Il la convoite avidement, ignorant que c’est lui sa proie.
Cédric n’aime pas la façon dont il regarde sa fée… mais il sait que c’est ainsi que cela doit se passer. Il faut que l’homme veuille lui appartenir pour qu’elle puisse se nourrir de lui.
Le clochard est tombé à genoux. Son visage levé vers Opale, il lui récite des vers sans queue ni tête. Opale regarde Cédric, les yeux plein de larmes et lui la regarde sans savoir comment la regarder. L’homme tend les mains vers elle. À regrets, dans un geste dicté par l’instinct de survie, elle lui tend les siennes. Malgré ses forces déclinantes, elle l’aide à se remettre debout. Un instant, leurs regards se capturent. Et Cédric ne voit plus un clochard. En cette minute, l’inconnu a plus de prestance qu’un roi. Il enlace doucement la fée qui se blottit contre lui. Elle relève la tête. Son regard glisse sur Cédric qui se sent glisser également… Un gouffre sombre l’engloutit tandis qu’elle pose son front contre celui du clochard-roi. Elle lui murmure un unique mot, qu’il répète. Puis il s’effondre doucement dans ses bras et meurt sans un bruit… comme coulent les larmes d’Opale… et le sang dans le cœur de Cédric.
***
Cédric marche sous la pluie. Il lève les yeux vers le ciel. L’eau ruisselle sur son visage… Alors, peu importe qu’il soit un homme… Puisque personne ne peut le voir, Cédric peut enfin pleurer.
Piégé entre l’asphalte et les étoiles, il laisse s'écouler en silence tout ce qu'il a été et ses espoirs mort-nés.
***
Cédric marche en silence, en absence. Il n’est pas sur ce trottoir, n’avance pas parmi cette foule amorphe. Il est auprès d’Opale, son esprit tout entier projeté vers ce qu’elle est encore en train de faire et qu’il ne veut pas voir. Il est sorti pour échapper à la scène et pourtant, elle le hante et le poursuit.
Alors, il décide de rentrer chez lui.
Il regarde l’inconnu de plus tombé aux pieds d’Opale. Elle, fixe Cédric faisant glisser doucement le sang sur ses lèvres, se parant du maquillage qu’il lui a offert. Ses doigts trempés de liquide vermeil courent sur sa peau couleur saphir, dessinant les plumes d’un oiseau de proie autour de ses yeux.
C’est le cinquième en trois mois. Cédric ne veut pas penser au corps qui gît devant lui et à ce qu’il va devoir faire. Pour l’instant, il ne veut regarder qu’Opale. Ses cheveux d’un blond sombre qui cascadent sur ses épaules nues, ses seins qui palpitent, ses reins sensuels. Il sait ce qu’elle veut maintenant… ce qu’elle veut à chaque fois. Et, ce qu’il déteste par-dessus tout, c’est qu’il en a envie aussi.
Allongé non loin d’un corps sans vie, Cédric serre tendrement l’être fragile lové contre lui. Il caresse ses bras avec douceur suivant la courbe des bracelets de métal qui les cerclent.
« Pourquoi cela a-t-il changé ? »
Elle regarde le métal qui brille froidement sous la lune.
« Parce que j’ai changé, énonce-t-elle comme une évidence.
— Pourquoi faut-il qu’il en soit ainsi ? »
Elle roule au-dessus de lui, féline, gracieuse.
« Je suis telle la mer. Empêche la mer de rouler et elle cessera de changer… mais elle ne sera plus la mer. »
Elle rit.
« Elle aura donc changé. »
La fée se lève et caresse le clochard qui semble endormi. Entre les bras de Cédric, à l’instant, elle semblait si innocente, ses yeux de nouveau verts, sa peau plus claire… Il se souvient de toutes les déclinaisons sous lesquelles il l’a connue. Perdue sur l’asphalte comme un chaton abandonné, rayonnante de vie, fragile comme du verre, pâle comme un soleil d’hiver, fraîche comme une pluie d’été, tendre dans leurs amours naissantes, sauvage dans leurs sombres étreintes… Après tout, ne peut-on aimer à la fois l’azur tendre du jour et le manteau de ténèbres de la nuit ?
Ceux dont elle se nourrit semblent si heureux dans leur mort. Ce n’est pas vraiment la faim d’Opale qui les tuent mais leur propre désir de posséder.
« À quoi penses-tu ? demande-t-elle.
— Je me disais que tu as eu de la chance que ce soit moi qui te recueille… Tous ces hommes te convoitent. Aucun ne t’aime comme moi.
— En effet, répond-elle d’une voix de lune. Leur amour me nourrit. Le tien… me dévore. »
***
Cédric arpente le trottoir d’un pas de prédateur. Il regarde autour de lui guettant machinalement une proie inconsciente. Pas de chasse aujourd’hui… La faim d’Opale semble s’être apaisée ces derniers temps. Mais on ne sait jamais.
Il ouvre la porte de son appartement et un froid cinglant lui fouette le visage. Elle se tient sur le rebord de la fenêtre grande ouverte, pareille à un oiseau de proie prêt à bondir dans les ténèbres illuminées de la ville. Ses yeux brillent tels les diamants dont il l’a parée, comme mille feux de glace.
« Tu es sortie ? »
Il a du mal à entendre sa propre voix par-delà les battements de son cœur.
Elle sourit de ses lèvres maquillées de sang.
« Si tu connais la réponse, pourquoi poses-tu la question ? »
Il reste silencieux. Le sourire acéré de la fée révèle les dents éclatantes qui contrastent avec les ténèbres de sa peau. Il n’y a plus que cela qui brille en elle, ainsi que la lumière froide de ses yeux, comme deux étoiles au sein de la nuit, et un pendentif en forme de cœurs enlacés qui pend sur sa poitrine.
Pour la première fois, Cédric voit clairement le prédateur qu’elle est devenue. Elle est le tonnerre dans la nuit. Libre. Sauvage. Elle gronde. Elle éblouit.
Elle tue.
Elle se nourrit de cette ville comme elle s’était nourrie de la sève et du jour.
Se dépliant de son perchoir, elle pose un de ses pieds gracieux sur le sol, puis, fluide comme un félin, elle s’approche de lui sans un bruit. Elle se baisse et ramasse un barreau abandonné.
« Tu croyais vraiment que tes petits bâtons allaient me retenir longtemps, mortel ? »
Dans sa main, la barre de métal se couvre de cristaux de givre, avant de s’effriter et de s’envoler comme une poussière d’étoiles.
« Tout change. Tout passe. Tout finit par se désagréger en ce monde. Il en était un différent, avant. Le nôtre. Un monde où tout était éternel… Mais, avec la jalousie qui vous caractérise, vous l’avez détruit.
— De quoi parles-tu ? Comment aurions-nous pu détruire ce dont nous ignorions l’existence ?
— En l’ignorant, justement. En niant la réalité d’une chose que vous ne pouviez ni posséder ni contrôler. »
Il la regarde, nimbée de la lumière de la lune :
« Est-ce pour cela que tu es venue à moi ? Pour te venger ? »
Elle éclate d’un rire de métal.
« Qui crois-tu être, petit mortel, pour avoir autant d’importance ?
— Si je suis tellement insignifiant et puisque, visiblement, tu n’as plus besoin de moi, pourquoi être restée ? »
Elle le regarde durant un silence plus long que mille tortures. Ses yeux de lumière froide tombent sur les tiges noueuses de ce qui fut vivant et n’est plus que bois mort. Elle finit par répondre de sa voix de métal et de glace :
« Pour une raison qui n’est plus. »
Cédric regarde également le fœtus mort-né de ce qui aurait dû être un arbre.
« Je ne suis pas responsable de cela, se défend-il.
— Non, admet-elle. Mais de cela, si. »
Elle passe une langue d’un rouge sombre sur les canines effilées qui ornent sa bouche.
« Tu allais mourir. Qu’aurais-je pu faire d’autre ?
— Qui sait ? Si je ne pouvais vivre où tu étais, peut-être aurais-tu simplement venir planter mon arbre avec moi… »
Cédric serre les poings. Une rage impuissante l’envahit. Il sait qu’elle a raison, sait qu’elle a tort également… C’est tellement plus facile de juger après coup. Tellement plus facile de trouver les bonnes solutions. Il avait si peur de la perdre à cet instant-là. Comme maintenant… Alors, il essaie de garder son calme pour ne pas réitérer la même erreur. Il dresse une digue devant la marée de ses émotions, usant de tout ce qu’il lui reste de sang froid pour ne pas se mettre à hurler de douleur.
« Tu as mal, petit mortel ? J’ai eu mal aussi, crois-moi. Mais plus maintenant. Maintenant, je suis faite du métal dont tu m’as forgée…
— Ne m’accuse pas de t’avoir rendue ainsi ! Je n’ai fait que te nourrir. Cette cruauté que tu ressens est dans la nature de ton peuple.
— Est-ce moi qui suis cruelle ? Ou bien serait-ce plutôt les hommes qui ont abattu l’arbre auquel j’étais liée, pour dieu sait quel usage absurde ? Ceux qui m’ont condamnée à vivre dans cette cité de matière morte ?
— J’ignorais ce qui s’était passé. Je ne savais pas pourquoi tu étais ici, encore moins que tu en souffrais.
— Tu l’as ignoré parce que tu n’as jamais voulu savoir. Tu t’es contenté de fermer cette porte à double tour chaque jour pour être sûr que je ne parte pas. Je suis telle que tu m’as rebaptisée dans le sang. Nous sommes tous tels que vous, l’humanité, vous nous façonnez par votre égoïsme. Nous ne sommes que vos ombres, reproduisant fidèlement les mouvements que vous nous imprimez.
— Pourquoi as-tu tellement changé ?
— J’appartiens à ce monde tout entier. Comme lui, je change. Tu me voudrais telle que tu m’as acquise ou as cru m’acquérir… à jamais fidèle à ce que tu veux que je sois. Il y aura toujours des couchers de soleil, mais chaque jour différent. C’est ce qui en fait la beauté. Ainsi devrait-il en être de chaque être.
— Et l’amour ?
— L’amour est la constance qui lie ce qui est inconstant. Que fait la montagne quand le soleil est voilé par les nuages ? Que fait-elle quand il est nimbé de pluie ? Elle reste là et l’épouse au crépuscule. Et que fait le soleil quand la montagne est verte des merveilles de l’été ? Que fait-il quand elle se dénude à l’automne ou se pare du manteau blanc de l’hiver ? Il se couche auprès d’elle, la baignant de sa lumière encore et encore, chaque soir. Ainsi devrait-il en être de l’amour : un lien immuable entre deux êtres en perpétuel changement. »
Comme au premier jour de leur rencontre, Cédric se sent incapable de la comprendre. Pour lui, pauvre mortel, le soleil se couche partout sur la Terre. Il épouse les montagnes ou les mers selon l’endroit d’où on l’observe. Pour lui, il ne se couche d’ailleurs même pas. La Terre tourne et le fait disparaître à nos yeux.
Il essaie d’oublier sa logique, de pénétrer les mystères de celle de la fée.
Il la regarde intensément.
« Je suis resté. Je t’ai aimée radieuse, fragile ou ténébreuse. Comme le soleil, que tu aies été d’hiver, d’automne ou de printemps, je suis revenu me coucher près de toi…
— Tu m’as enchaînée ! »
À nouveau un sentiment d’injustice douloureux pulse contre les remparts de son cœur.
« Regarde ce que j’ai fait pour toi. J’ai chassé pour toi. Je t’ai ramené ce dont tu avais besoin pour survivre. Je suis devenu un assassin pour toi. »
Elle hausse un sourcil.
« Pour… moi ? »
La question est aiguë, douloureuse. Elle n’a pas besoin de lui dire ce qu’il sait, elle préfère laisser son silence le condamner avant de finir par lâcher :
« Et puis, qui a fait de l’autre un tueur ? Est-ce toi qui as plongé ton regard dans le leur jusqu’à voir leur lumière s’y éteindre ? »
D’un geste il balaie tout ce passé absurde.
« On peut partir ! s’exclame-t-il. On peut tout recommencer, tout changer !
— Tu ne comprends pas, petit mortel. Quand tu as vu mes larmes, tu les as ignorées. Quand je souffrais, tu as détourné les yeux. Tu ne te soucies de cette douleur qu’aujourd’hui qu’elle te coûte… parce que tu sais que je vais partir. Mais moi, je ne souffre plus. Moi, j’aime ce que je suis devenu. Et ce que je suis devenu est libéré de toi. »
Alors, sous son regard d’asphalte d’où la lumière a disparu, Cédric s’effondre, submergée par la panique qu’il ne peut plus contenir.
« Je ne veux pas te perdre ! »
Elle reste froide comme une lame.
« Je n’ai jamais été à toi.
— Mais je t’aime tellement…
— Qu’est-ce que l’amour pour vous autres humains ? Ce que vous aimez, vous ne souhaitez que l’acquérir. C’est pour cela que vous ne pouvez plus aimer la nature. Que faire du murmure du vent dans les branches si on ne peut le posséder ? Il vous faut acheter, archiver, exposer fièrement vos possessions avec cette vanité absurde que vous y associez ! Tu m’as couverte de bijoux comme autant de chaînes étincelantes. Croyais-tu que je m’aveuglerais à leur éclat ? Tes « je t’aime » sont comme des prisons qui signifient « tu es à moi, tu n’as pas le droit de t’en aller », qui ne donnent que pour recevoir en échange ! Ainsi en va-t-il de votre façon d’aimer. Quel sentiment étrange qui vous conduit à étouffer lentement l’objet de votre amour et à vous lamenter ensuite de votre solitude ! Cet unique mobile semble pouvoir excuser tant de choses… Vous coupez les plumes des oiseaux pour qu’ils ne s’envolent pas, vous clouez les ailes des papillons parce que vous les aimez… Qu’as-tu fait de mes ailes ? »
Cédric se souvient qu’elle les avait déployées un jour et que cela l’avait terrifié. Alors, il comprend que c’est lui qui les lui a volées. Sa simple peur de la perdre était pour elle plus acérée qu’un poignard.
« Je te demande pardon.
— Ce n’est pas mon pardon que tu veux… »
Elle se rapproche de lui, fauve, féline, superbe. Doucement, elle caresse sa joue, recueillant une larme sur son visage, comme un joyau de lumière suspendu au bout de son doigt de ténèbres.
« Pourquoi pleures-tu ? »
Sa voix est douce comme un Noël sous la neige.
« Parce que je t’ai perdue.
— Voilà bien l’amour des humains, souffle-t-elle doucement. Tu as brisé mon âme immortelle, me répandant aux quatre vents pour me reconstruire à ta convenance. Tu m’as détruite, te nourrissant de cette flamme que toi, tu n’avais pas, jusqu’à me laisser sans force et sans vie… jusqu’à faire de moi un être de ténèbres. Et, une fois de plus, tu ne pleures… que pour toi, » lâche-t-elle comme un joyau qui va se briser sur le sol.
« Opale… supplie-t-il.
— Je ne me suis jamais appelée Opale. C’est le nom que tu m’as donné comme si j’étais ton animal apprivoisé. Mon nom… je ne te l’aurais peut-être pas donné… Mais, de toute façon, tu n’as jamais vraiment voulu le savoir. Tu crois aimer cet être que tu as créé et qui n’a jamais été moi.
— Qu’attends-tu de moi ?
— Toute dette doit être payée. Pour la vie que tu m’as prise, pour l’âme que tu m’as volée… Que crois-tu que tu me doives ? »
Il ne détourne pas les yeux.
« Prends ce qui doit être pris. »
Elle pose sa main sur son cou. Ses doigts parcourent cette chair qu’elle a tant chérie. Elle lui dévoile un sourire carnassier.
***
Kishen enjambe négligemment les barreaux de sa cage baignés de sang. D’une pensée sauvage comme une bourrasque, elle fait voler en éclats toutes les vitres de l’appartement puis déploie ses ailes tissées d’éclairs. Libre, sauvage, elle fend l’air comme un poignard sous l’éclat glacé de la lune.
Couché dans le sang d’un autre, Cédric regarde les étoiles. Elle ne l’a pas tué. Il est mort quand même. Lié à jamais aux ténèbres auxquelles il l’a enchaînée, il restera là à l’attendre, sachant qu’elle ne reviendra pas pour lui accorder au moins cet ultime vœu, d’être à son tour sa victime.
À tous ceux qui serrent si fort ce qu’ils croient posséder
Qu’ils finissent par le briser.